dimanche 19 janvier 2014

Ah mais non !

ah mais non ! Non, non, non ! Quelqu'un s'est installé dans mon vide. Un vilain mélanome a trouvé la place vacante et s'y est logé tout à son aise. Commençant tranquillement à prendre possession de chaque pièce alors que je venais à peine de finir l'état des lieux. J'étais encore entrain d'hésiter sur les différents corps de métier nécessaires à la construction de ces fameuses solides fondations, regarder à droite, regarder à gauche, que des squatters ont intégré les lieux. Heureusement que j'ai aperçu le premier tag sur ma jambe. Il a fallu, vite fait, employer les grands moyens pour les déloger parce qu'ils se sont vite reproduits, tous là, bien au chaud, dans mon vide ! L'entreprise s'est révélée ardue, stressante mais on y est arrivé, il ne reste plus qu'un immense graffiti en forme de fermeture éclair sur toute ma cuisse… Voyous, va ! Il va donc falloir s'atteler au chantier plus vite que prévu, renforcer fissa les fondations avec du béton armé. Pour cela, j'ai pris tout ce qu'il y a de mieux pour m'aider, psy, coach(le meilleur !), écriture et même un petit tour chez le coiffeur pour ravaler la façade, essayer de donner un petit coup de jeune à l'extérieur pour essayer de faire oublier les graffitis dans les étages. Puis, va falloir surveiller tout ça de près pour peu qu'il en reste quelques uns bien cachés dans les combles ou à la cave. Allez, allez, au boulot ! On renforce, on consolide, on anticipe, on perd pas de temps ! Quel chantier. J'espère vraiment le voir terminé. Ce serait idiot de s'être fait piquer la place par des petits bêtes qu'on ne connaissait même pas… Allez, ouste, bon débarras, on ne veut plus les voir celles-là ! Voilà, tout est en place, je crois. C'est bon, on peut commencer !

lundi 13 janvier 2014

Absolute begginer

Longtemps, j'ai été vide. J'ai vécu 46 ans en toute innocence, avec un esprit formaté par d'autres, sans conviction, sans avis, sans pensées propres si ce n'est celles de mes interlocuteurs. J'ai eu une mère nocive, une mère qui a fait ce qu'elle a pu avec ce qu'on lui avait donné - sans doute de grosses carences, et un père inexistant. Ma mère n'a pas fait un enfant, elle a fait une continuité d'elle même, un être tout entier dépendant d'elle, sa suite, son clone qui vivrait ses rêves et lui correspondrait en tous points. Cet être c'est moi, et j'ai bien compris quel était mon rôle alors je m'y suis conformée. Mais je ne lui en veux pas, pas vraiment, grâce à elle et à ses névroses, je n'ai jamais fait de bêtises, jamais fumé, jamais bu, jamais couché avec n'importe qui, un esprit sain dans un corps sain, ou plutôt devrais-je dire un esprit simple dans un corps sain. 46 ans de dépendance affective à ne rechercher que l'approbation dans le regard des autres, à me conformer au moule, à pardonner tout le monde, à faire en sorte d'être aimé de tous, une voie vers la sagesse en quelque sorte, le pardon, l'amour du prochain, certains mettent toute leur vie à s'y rapprocher, moi je l'ai appris dès ma naissance mais ça ne compte pas, c'était malgré moi...Mais je ne regrette pas. D'ailleurs je ne regrette rien, j'ai eu de la chance, beaucoup de chance, en voulant me conformer aux rêves de ma mère, j'ai fait des études, appris des langues, créé une famille unie et pleine d'enfants, je me suis appliquée à faire tout ça très bien et j'en récolte les fruits tous les jours. J'ai même réussi à réaliser que je ne faisais pas ça pour moi mais pour elle et j'ai réussi à m'en détacher (ou du moins j'ai l'impression que je m'en suis détachée) Mais le vide est là, bien présent, bien béant, ce vide que j'ai nourri pendant des années avec du lait concentré, du chocolat et du sport pour compenser... Ce vide que je ne veux plus remplir bêtement mais que j'aimerais désormais essayer de combler avec de vraies fondations, avec du dur, avec du vrai. Alors, il va falloir que je commence à penser par moi-même, que je réinitialise mon esprit, que je me pose les bonnes questions... Toute cette tristesse, toute cette colère enfouie, que dois-je en faire, je n'ai pas appris à les faire sortir ni même à les accepter Toutes ces croyances, toutes ces informations sur lesquelles je me suis construites, je dois les oublier, les ravaler, les modifier ? Je n'ai pas de mode d'emploi, lire, écrire, méditer ? Je vais m'y employer...

mercredi 22 février 2012

Lettre d'une mère à sa fille

Mercredi 23 décembre 1981 (14 ans)

Ma chère Sophie,

Voici Noël, la fête de l'amour...
Je suis triste de manière infinie car tu n'es plus la petite fille aimante que j'ai connue...
Tu veux ta liberté, et je le comprends, et je ne pense pas être tellement "vieux jeu" pour ne pas t'accorder assez de liberté pour que tu sois heureuse.
Je souffre seulement du manque de respect et d'amour dont tu fais preuve à l'égard de ta maman et du lieu où nous habitons : Tu décides avant de ma demander, si je ne suis pas d'accord, tu réagis avec agressivité... Tu ne vois pas ce qui se passe à la maison...Tu ne vois que tes petits caprices vestimentaires - ridicules souvent d'ailleurs - mais qui pour toi sont la seule chose importante à tes yeux.
je ne suis pas d'accord sur le manque d'amour que tu me prodigues.
Méfie-toi Sophie, tu es très égoïste - et les coeurs secs ne sont pas heureux dans la vie et ne dispensent pas le bonheur autour d'eux.
je sais, tout le monde te trouve jolie, intelligente, gentille, mais il faut vivre avec toi pour connaître ton côté suffisant, égoïste et personnel.
Tout ceci me fait de la peine et je tiens à t'en faire part aujourd'hui, veille de la fête de l'amour.
C'est aussi un cadeau, j'espère qu'il sera un peu amer ou alors tu t'en ficheras pas mal... Selon ton coeur...
Mais il semble vraiment être sur la mauvaise pente et il faudrait - je le souhaite fortement - que tu en prennes conscience et que tu fasses un effort pour en changer.
Tout l'amour que je t'ai donné n'a pas porté les fruits que j'espérais. Mon coeur en est très triste et bien déçu...
Je te souhaite un joyeux Noël.
Maman

vendredi 10 février 2012

Les escaliers noirs - 5


Les années collèges furent salvatrices. Sophie rencontra « les autres ». Ces « autres » si différents de Simone. Ces « autres » qui étaient prêts à entamer une relation normale, d’échange, d’amitié, de respect, de confiance. Et Sophie adora « les autres », elle aurait pu redoubler, tripler, quadrupler tellement le collège lui plaisait. Elle se couchait le soir impatiente d’y retourner, la fin des grandes vacances était interminable avant la rentrée. Les profs, les élèves, les parents, tous lui apportaient ce quelque chose de nouveau, ce sentiment de liberté incroyable. Au collège elle riait et le soir elle rêvait. Bien sûr Simone veillait, les coups de fil devaient tous être écoutés, la chambre toujours fouillée mais les nouvelles amies lui convenaient. Sophie fut inscrite aux « guides » de Monaco, sur le Rocher, encore un endroit plein de ces « autres » que Sophie adora.
A partir de la seconde, l’adolescence qui commençait à bien pointer le bout de son nez fut bien maîtrisée par Simone. Le travail de sape qui avait commencé depuis longtemps se fit plus régulier, les amis de Sophie devenaient des concurrents qu’il fallait éliminer. Ils étaient donc critiqués, évités le plus possible, pas de cantine pour Sophie, après avoir fait la vaisselle chez les Dominicaines pendant 4 ans, Simone décida qu’elle était assez grande pour déjeuner toute seule et, à son grand désespoir, Sophie rentra tous les midis manger seule à la maison. Le lait concentré sucré devint son nouvel ami pendant ses deux longues heures de solitude… Une gentille petite boulimie s’installa à jamais pour combler ce vide immense et infini.
A la fin de la seconde, les profs envisagèrent, ou plutôt furent encouragés par Simone à envisagé, un redoublement pour manque de maturité bien que le notes n’étaient pas mauvaises il fallait limiter les liens que Sophie avait créés avec les amis de sa classe.
Qu’à cela ne tienne, les liens étaient tissés, rien ne les déferait et d’autres furent créés.
Mais Simone était très forte, tantôt bourreau, tantôt victime, elle soufflait le chaud puis le froid, Sophie ne savait jamais sur quel pied danser, souvent encouragée mais toujours critiquée, elle n’en faisait jamais assez, Simone n’était jamais satisfaite, tout était matière à culpabilité. Elle disait être malheureuse parce que Sophie était égoïste, parce que Sophie préférait ses amis, parce que Sophie pensait qu’à elle. Alors Sophie faisait de son mieux. Elle passait tout son temps avec Simone, la faisait rire, lui raconter les bêtises faites par ses copains en classe, l’aidait à faire le ménage, l’accompagnait faire les courses, mais ce n’était jamais assez bien.
En seconde Sophie commença à donner des cours de math, 50 francs l’heure, parfois 5 cours par semaine, une vraie petit fortune ! Mais tout cet argent passait à se faire pardonner, des fleurs tous les samedis en revenant de cours, 7 roses roses et 5 œillets, les préférées de Simone, puis toutes ses économies au centime près passèrent en fin de première dans l’achat de ce magnifique chat en bois que Simone avait vu chez un antiquaire à Monaco. C'était la moindre des choses, Simone se sacrifiait pour elle, n’avait jamais refait sa vie pour elle, se tuait au travail pour elle, pour qu’elle soit parfaite pour qu’elle soit son œuvre.
Et c’est vrai que Sophie avait la vie belle, une jeunesse dorée, en Angleterre à 9 ans, en Ecosse à 10 pour apprendre l’anglais, en vacances au ski en Suisse, à la plage à Juan Les Pins, à Disney World en Floride, une vraie vie de princesse à Monaco qui en aurait fait rêver plus d’une.
Sophie avait la vie belle surtout grâce à ses amis avec qui elle riait, elle s’amusait, elle vivait ! Grâce à Isabelle, à Yasmina, à Marina, à Marie, à Franck qui l’ont tellement fait rire, à Eric qui lui a déclaré sa flamme et dont Sophie ne pouvait pas croire qu’on pouvait l’aimer comme ça, pour elle, sans culpabilité sans rien attendre en retour !!
Pour Simone elle n’était qu’un objet, un objet à façonner, à formater pour servir ses propres intérêts, un objet sans identité, sans désir propre sauf celui de répondre aux désirs de Simone.

mardi 25 mai 2010

Les escaliers noirs des Dominicaines - 4



Donald avait pris maintenant sa vitesse de croisière, il venait les voir une fois tous les deux ans et à chaque fois Simone et lui se retrouvaient comme au premier jour, amoureux, soit il venait à la maison, soit ils partaient ensemble en vacances, en Angleterre, en Italie, une semaine de bonheur que Sophie partageait en spectatrice heureuse d'avoir une famille normale pour quelques jours.
Pendant le reste du temps, Sophie était sage et Simone travaillait, voyageait pour son boulot de temps en temps et le reste du temps elle restait avec sa fille mais sans vraiment s'en occuper. Sophie grandissait et le collège approchait, celui-ci était mixte et se trouvait juste à côté de l'école des Dominicaines mais il était tenu par des frères, les Franciscains, une bonne continuité dans la religion et la culpabilité !! Paradoxalement, Simone n'était pas croyante ou plutôt si, mais elle était fâchée avec le Bon Dieu depuis qu'elle avait divorcé de son premier mari, elle en voulait à l'église de ne plus être acceptée, de ne plus être la meilleure alors elle la rejetait ! Sophie, elle, faisait plaisir, elle croyait devant les soeurs et ne croyait pas devant sa mère pour éviter toutes discussions !!
Sophie était assez jolie avec ses longs cheveux blonds et Simone eut peur que l'entrée en 6ème ne lui ouvre les yeux vers les garçons et l'éloigne d'elle. La première chose qu'elle fit fut une jolie tresse tenue par une pince à fleur et l'amena chez le coiffeur pour lui couper les cheveux. Mais elle voulait garder la tresse en souvenir, alors la coiffeuse n'eut pas d'autres choix que d'égaliser tout autour en ne laissant qu'un centimètre de cheveux sur la tête de la pauvre petite qui était entrée en fille et qui ressortait en garçon !! C'est donc avec la plus grande timidité, une coupe à la garçonne et des robes de petites filles sages qu'elle fit son entrée au collège. Pour ne pas s'intégrer trop vite, au lieu de manger à la cantine avec ses amis, Sophie déjeunait chez les Dominicaines, à côté, elle s'occupait de faire manger les élèves, débarrassait, faisait tourner le lave vaisselle, lavait par terre puis allait jouer avec les petites jusqu'à ce que ce soit l'heure de retourner au collège.
Simone réussissait très bien dans son travail, elle avait économisé de l'argent et s'était acheté son premier appartement. Mais elle s'était aussi pas mal coupé du monde et sa pathologie de perverse narcissique s'était bien installée. Elle avait pour secrétaire Nicole, une vieille fille d'une extrême gentillesse dont le seul but était de se sacrifier pour les autres - son père, sa grand-mère, sa méchante belle-mère et Simone - elle leur faisait les courses, à manger, gardait Sophie quand Simone était en voyage et ne contredisait jamais personne, une pâte ! Simone au contraire n'avait absolument aucune empathie, à partir du moment où elle allait bien, tout le monde devait aller bien et vice-versa ! Elle vivait dans une sorte de réel fictif où elle était la meilleure et où les autres suivaient ou s'ils se fâchaient, avaient tort. Elle voulait être parfaite, elle voulait que sa fille soit parfaite, elle voulait donner l'image de la mère célibataire qui a tout réussi et ça marchait.
Elles avaient enfin déménagé pas très loin, dans un bel appartement où Sophie avait sa chambre après 11 années à avoir dormi dans le même lit que Simone ! Il était temps !
Mais l'appartement fut long à meubler, Simone ne voulait que ce qu'il y avait de mieux car il fallait toujours impressionner, de toutes façons elle ne recevait presque jamais, le perfectionnisme tue la spontanéité ! Sophie avait été cependant très gâtée toute son enfance, ses anniversaires étaient tous plus somptueux les uns que les autres, toutes ses petites amies étaient ébahies, les mamans n'en revenaient pas qu'un femme seule qui travaille si fort arrive en même temps à organiser toute seule de tels événements !
Pour ce faire elle devait tout contrôler, dans son boulot où elle ne laissait rien passer et à la maison où sa fille devait tout lui montrer, pas de porte fermée, pas d'intimité, pas de petits secrets, elle devait tout lui raconter et ne rien lui cacher. Le cartable était fouillé, les placards étaient vérifiés mais Sophie n'avait rien à cacher, elle avait accepté très tôt sa soumission à sa mère sans vraiment s'en rendre compte et elle faisait tout ce qui était en son pouvoir pour coller à l'image que Simone s'en faisait. Un peu comme s'il y avait une petite trompe qui reliait leur deux cerveaux et qui projetait à Sophie l'image dont sa mère voulait d'elle. C'était fusionnel disait Simone, un amour que personne ne pouvait comprendre, d'ailleurs elle disait toujours que s'il arrivait quelque chose à sa fille elle la prendrait dans les bras et irait se noyer avec elle !! Sophie n'était pas malheureuse pour autant, au contraire, elle adorait le collège, elle adorait ses amies, elle riait tout le temps, s'amusait dès qu'elle pouvait et faisait ce qu'on lui disait de faire. Elle grandissait insouciante, sans avoir besoin de se creuser la tête pour essayer d'avoir des opinions à elle, sa mère les lui dictait sans effort ! Et elle rêvait ...

mardi 11 mai 2010

Les escaliers noirs des Dominicaines - 3



Chez les Dominicaines, Sophie n'était pas pensionnaire, elle restait à la cantine et à l'étude puis Simone venait la chercher en sachant que les soeurs pouvait la garder en cas de problème, elles pouvaient même la faire dormir, ce qui la rassurait. Tous les midis Simone montait de son bureau à l'école pour lui faire coucou à travers le grillage des fenêtres de la cantine qui étaient à mi sous-sol. Sophie attendait ce moment avec impatience, Simone lui souriait, tout allait bien, rien ne pouvait leur arriver.
Les Dominicaines était une école primaire seulement, elle était composée d'une ancienne villa à laquelle on avait ajouté une partie moderne pour faire des salles de classe sur trois étages, la maternelle au rez de chaussée, le CP au premier, le cours élémentaire au deuxième et le cours moyen au troisième étage. L'ancienne bâtisse était réservée aux chambres des soeurs qu'on ne voyait pas, à la salle à manger des professeurs et des soeurs, d'un escalier en ardoise noire qui montait au bureau de la mère supérieure et aux dortoirs, d'un escalier qui descendait à la cave et après ces deux escaliers de la salle de cantine. Devant les deux bâtisses se trouvaient les cours, celle qui servait de récréation avec sa ravissante pergola, son plaqueminier et sa Vierge Marie blanche et bleue sur une petite fontaine et celle qui donnait accès à la chapelle. C'est dans cette dernière que Mère Marguerite fut exposée après sa mort de manière à ce que toutes les petites filles viennent l'embrasser dans son beau cercueil !! Autre temps, autre moeurs !!
Sophie avait dans sa classe, un autre petite fille qui s'appelait Sophie Sciamana et qui elle aussi vivait seule avec sa maman. Un jour, la mère prieure vint en classe annoncer que la mère se Sophie Sciamana était morte, qu'elle s'était jetait du 6ème étage du Palais Armida où elle habitait, que Sophie serait donc pensionnaire à partir de ce jour et qu'il fallait être gentille avec elle. Ca pouvait donc arriver ! Ce jour là, Sophie imagina l'autre petite Sophie entrain d'hurler à l'annonce de la nouvelle dans les escaliers noirs des Dominicaines. Et elle se figea. Simone avait été choquée aussi, et elle en parlait à sa fille comme à une confidente sans se douter que sa fille s'était écroulée, à jamais, comme le lézard immobile sur le mur pendant que la vie passe. Plus d'émotions, plus de souvenirs, déconnectée de ses sensations, elle allait traverser sa vie dorénavant sans que rien ne la touche, le sourire aux lèvres, elle avait cessée d'exister réellement !
Pour Simone c'était tout bénéf ! Sa fille faisait tout ce qui était possible pour la rendre heureuse, pour ne pas qu'elle pleure, pour ne pas qu'elle se suicide elle aussi. L'année suivante, les soeurs avait fait un tableau représentant la naissance de Jésus et l'étoile du Berger qui brillait dans le ciel, chaque élève qui faisait une bonne action était convoquée par la Mère qui lui remettait un petit papier coloré à coller sur le tableau, quelle ne fut pas sa fierté d'apprendre que Sophie avait collé à elle seule un quart de tous les petits papiers.
Simone, pourtant, n'était pas un exemple de gentillesse et même si elle avait un grand coeur et une grande sensibilité, sa trop grande fierté et sa jalousie la fâchaient avec ses amis, avec ses collègues, avec ses voisins, avec sa famille. Petit à petit elle faisait le vide autour d'elle. Sa meilleure amie Caroline avec qui elle avait accouché pratiquement en même temps et dont le fils Philippe avait partagé les 6 premières années de sa fille comme un frère, c'était fini, son amie Jeanine dont la fille Karine avait le même âge que Sophie et avec qui elle passait tous ces week-end, c'était fini, Suzanne, la maman de la meilleure amie de Sophie au primaire, avec qui elle s'était liée d'amitié, c'était fini, Gisèle, la maman de Carole qui avait passée de nombreuses vacances avec Sophie, c'était fini. Simone ne se remettait jamais en question, c'était de la faute des autres si elle était fâchée alors que sa fille ne la contredisait jamais !!

dimanche 9 mai 2010

Les escaliers noirs des Dominicaines - 2

Il ne revint pas de sitôt. Simone déménagea à Cap d'Ail, plus près de son travail. Elle mit la petite à la crèche, puis pris une nourrice et lorsqu'elle rentrait le soir elle jouait avec sa fille jusqu'à minuit pour rattraper le temps perdu de la journée. Mais l'appartement fut cambriolé et elles déménagèrent à Beausoleil, à "La Source" au 6ème étage d'un joli petit immeuble bleu et blanc. Sophie avait 18 mois, son papa n'était toujours pas revenu, mais qu'à cela ne tienne, Simone lui en inventerait un. Armstrong venait de poser son pied sur la lune, ça tombait bien, ce serait son premier papa de substitution et puis que c'était mignon de voir ce petit bout de fille dire bonne nuit à la lune tous les soirs. Deux ans plus tard, Simone alla voir Gilbert Bécaud en concert, son idole, son amoureux imaginaire, c'est vrai qu'il lui avait amené une fleur lors d'un de ces concerts précédents qui avait maintenue une petite flamme allumée dans son coeur. Alors elle fit croire à Sophie que Gilbert Bécaud était son père, elle avait tous les disques, elles connaissait toutes les chansons, encore une fois quel joli choix !!
Pendant ce temps, Sophie grandissait, elle avait fait sa première année de maternelle à l'école des jouets à Monaco où elle avait reçu le prix de la gentillesse, le premier d'une longue liste !! Mais paraît-il le fait de ne pas avoir de père n'étais pas très bien vu dans cette école et Simone la mit chez les Dominicaines, juste en face de la maison, un pensionnat de soeurs où se trouvaient pas mal d'orphelines, alors ne pas avoir de père n'était pas bien grave !! Ce n'était pas facile d'élever une enfant seule, ce qui angoissait le plus Simone c'était la mort, sa mort, comment ferait la petite sans elle, ça la tracassait et pour parer à toute éventualité elle allait la préparer. D'abord, il fallait que la petite sache se débrouiller en cas de malaise à la maison, alors elle se mettait par terre pour lui apprendre à aller chercher un tabouret, ouvrir le verrou et aller chercher les voisins, puis elle lui fit choisir sa famille d'adoption au cas où..., chez quels cousins préférerait elle vivre, chez Patrice et Monique ou chez Dominique et Maciej ? Tous les papiers étaient prêts et souvent le week-end elle les lui montrait, où ils étaient cachés, à quoi ils servaient. Simone, malgré des papas imaginaires n'avait pas refait sa vie, aucun homme ne pouvait venir interrompre son histoire d'amour avec sa fille, elle dormait avec elle dans le même lit, elle l'a tricotait d'amour, une maille à l'endroit, une maille à l'envers, sa fille c'était elle, sa continuité, son ombre, sa vie. Mais Simone était malheureuse, souvent elle pleurait le soir contre sa fille dans leur lit, elle n'avait pas rêvé ça, elle voulait une grande maison, un gentil mari, quatre enfants et des chiens mais la vie en avait voulu autrement.
La journée, Simone était une battante, elle était fière et elle allait leur montrer à tous qu'elle pouvait tout à fait élever sa gamine et réussir son boulot. Elle était chef de produit dans les cartes de voeux, elle faisait les salons, elles créait les textes, elle bossait dur toute la journée puis elle rentrait jouer avec sa fille, lui faire à manger et se coucher avec elle. Le week-end elle allait voir ses parents, son père qu'elle adorait et sa mère à qui elle en voulait de préférer son frère. Ce frère, dont elle avait dû être amoureuse petite mais qui, plus grand de deux ans et demi avait du l'ignorer alors qu'elle l'admirait, jusqu'à ce que son amour pour ce frère se transforme en haine à vie. Mais ça c'est une autre histoire.
Un jour de Pâques, Donald vint leur rendre visite pour la première fois, Sophie avait 7 ans et elle dut se rendre à l'évidence que son père n'était ni Armstrong ni Bécaud mais bien ce grand monsieur qui ne parlait pas français et qui prenait sa maman dans ses bras. Un choc sans doute, mais il avait l'air gentil et la regardait avec admiration, c'était déjà pas mal, puis sa maman avait l'air heureuse, Sophie pouvait enfin respirer, pendant ces quelques jours le bonheur de sa mère ne reposait plus sur ses épaules. Simone avait inventé un autre très joli mensonge pour lui expliquer leur histoire : "Donald était marié au Canada et dans la boîte où il travaillait on lui interdisait de divorcer pour venir les rejoindre, il en était très malheureux mais il ne pouvait pas faire autrement et puis c'était mieux ainsi car Simone était à la fois le père et la mère de Sophie, elles n'avaient donc pas besoin de lui" Et comme à 7 ans on ne remet pas en cause les convictions de sa maman, c'était très bien comme ça !
La mort était omniprésente dans la pensée de Simone, elle en avait peur et elle en parlait à sa fille, ca servait à tout, de chantage quand elle voulait obtenir quelque chose "Si tu ne fais pas ce que je te demande et que je meurs, qu'est-ce que tu vas faire ? " d'exutoire à ses malheurs "Un jour tu me retrouveras morte et ce sera bien fait" ou de planification de l'avenir "alors, si je meurs, les papiers du notaire sont dans ce classeur, les numéros de compte en banque sont cachés ici..." Alors Sophie faisait tout ce qui était en son pouvoir pour lui faire plaisir, pour être gentille, pour qu'elle ne meure pas.